Naufragé: Le Dieu qui n'est pas là
Table des matières
- Début du film : "Rejet dans les marées de l'existence"
- Retour à la civilisation : Un nouveau chapitre
- Désillusion amoureuse : La douloureuse réalité
- L'île et l'océan : Le contraste de deux mondes
- La symbolique de la souffrance dentaire de Chuck
- L'absence de références spirituelles dans le film
- L'horizon inaccessible : Le silence de l'univers
- La montre brisée et le couteau de poche : Les symboles de l'ironie
- L'ironie cosmique : Quand le destin se moque de nous
- La poésie comme substitut de la religion : Le monde du castaway
🌊 1. Début du film : "Rejet dans les marées de l'existence"
Le film Castaway commence par une métaphore puissante qui annonce le thème central du film : le rejet. À mi-chemin entre le début et la fin du film, Chuck effectue l'acte de "rejet", symbolisé par le lancer d'un objet à la mer. Cette action marque une rupture significative dans l'histoire. Si l'on s'attendait à un récit typique de survie, la fin du film peut sembler étrange. La plupart des histoires de survie, y compris le fameux Robinson Crusoé, nous font espérer une fin où le héros est secouru et retrouve la civilisation. Mais Castaway va encore plus loin, en nous montrant 30 minutes supplémentaires après le retour de Chuck à sa vie antérieure. C'est là qu'il découvre que son espoir de retrouver sa petite amie, Kelly, est anéanti. Je suis le mari de Kelly et je découvre qu'elle est non seulement mariée mais aussi mère. Malgré ses sentiments pour Chuck, sa vie et ses priorités ont avancé sans lui.
🏝️ 2. Retour à la civilisation : Un nouveau chapitre
Cette fin du film prend sens lorsque nous réalisons que la nuit sombre et tempétueuse où Chuck perd définitivement Kelly, en la ramenant chez elle à sa demande, fait écho à la nuit où Chuck se retrouve perdu en mer, impuissant et seul. Le silence relatif et le rythme apathique de l'île se contrastent avec la vitesse et le bruit de sa vie passée avec Kelly. Ils symbolisent l'existence solitaire et introspective que l'on retrouve généralement après une rupture.
Nous revoyons le temps que Chuck passe en mer lorsque les vastes plaines du Texas s'étendent à l'horizon, faisant écho à l'immensité de l'océan. Le ranch qui se distingue des plaines représente l'île. Chuck se retrouve à la croisée des chemins dans la scène finale du film, symbolisant la nature chaotique et dépourvue de sens de l'univers, qui, tout comme la mer, n'a pas de direction fixe mais a une tendance claire à détruire nos plans.
💔 3. Désillusion amoureuse : La douloureuse réalité
Chuck est confronté à la dure réalité de la désillusion amoureuse lorsqu'il découvre que Kelly est désormais mariée et mère. Son cœur brisé est symbolisé par une douleur dentaire, qui apparaît pour la première fois lorsque Chuck manque un appel de Kelly, se déroulant dans leur maison vide. Il exprime alors son mal via une phrase : "Tu me manques. La mauvaise nouvelle est que je dois aller chez le dentiste cette semaine pour un problème qui me fait mal". Cette douleur dentaire devient insupportable sur l'île, tout comme la douleur de l'éloignement de Kelly. Ironie du sort, Chuck subit une extraction dentaire majeure qui est ironiquement effectuée par le mari de Kelly, celui-là même qui lui a "volé" sa petite amie. "Tu ne te souviens probablement pas de moi. J'ai effectué un traitement canalaire sur toi il y a environ cinq ans. Je suis le mari de Kelly". Cette situation serait presque comique si elle n'était pas si tragique.
🙏 4. L'absence de références spirituelles dans le film
Une particularité frappante de Castaway est l'absence totale de références spirituelles. En fait, nous pouvons constater de manière assez claire que Chuck ne prie jamais. Cela contraste fortement avec le film Robinson Crusoé, qui a été écrit pour promouvoir la foi en Dieu. L'auteur a affirmé que le récit était raconté dans une perspective religieuse, afin de justifier la sagesse de la providence dans toutes nos circonstances. Crusoe parvient à la foi en reconnaissant la bonté de Dieu dans les différentes coïncidences de sa survie.
Dans Castaway, l'absence de références à Dieu semble représenter la nature de l'univers dépourvue de toute présence supérieure. Cette idée est renforcée dans la scène où Chuck erre à la recherche d'aide. Il appelle à l'aide sans recevoir de réponse, tout comme dans le film The Grey, où Otway implore un dieu invisible dans le ciel de lui montrer quelque chose de réel, mais n'obtient aucune réponse. Chuck ne trouve aucune aide à l'horizon, et est douloureusement repoussé par la marée. Castaway aborde donc le thème de l'acceptation de la réalité inhérente à l'univers sans pitié.
🕰️ 5. La montre brisée et le couteau de poche : Les symboles de l'ironie
Dans Castaway, la montre brisée et le couteau de poche jouent un rôle symbolique important. Chuck est présenté comme un analyste des systèmes dévoué à la maîtrise du chaos à travers des structures artificielles, comme les horloges et la gestion du temps. Ironiquement, c'est cette attente et cette volonté de contrôler qui le conduisent sur l'île, où il trouve la montre que Kelly lui a offerte, mais qui est brisée. De même, le couteau de poche que Chuck utilise comme outil essentiel sur l'île est introduit en parallèle avec la montre. Lorsque Kelly lui offre ce couteau pour ouvrir son cadeau de Noël, on s'attend à ce qu'il joue un rôle essentiel dans sa survie de "castaway". Cette attente est renforcée par le principe de "l'arme de Tchekhov", qui prône que tout élément introduit dans une histoire doit avoir une utilité future. Cependant, Castaway rompt cette règle en montrant que Chuck rend le couteau à Kelly juste avant d'en avoir besoin sur l'île. Cela correspond à la nature de la vie réelle, où nos attentes sont souvent déçues, les cadeaux parfois restent inouverts et les promesses sont rompues.
⚡ 6. L'ironie cosmique : Quand le destin se moque de nous
L'ironie joue un rôle majeur dans Castaway, illustrant à quel point le destin peut sembler se moquer de nous. Cela se manifeste également dans l'ironie cosmique, où l'univers semble être délibérément cruel. Comme le dit Chuck, "Tu veux entendre quelque chose de drôle ?", l'univers semble jouer une farce cruelle. Nous retrouvons cette ironie lorsque Kelly offre le couteau de poche à Chuck, mais seulement après qu'il n'en ait plus besoin, alors qu'elle le renvoie simplement sur son chemin. Cette ironie est également présente dans la chanson "Ironic" d'Alanis Morissette, où la rupture entre nos attentes et la réalité se révèle tragique. Comme le dit la chanson, "Je n'aurais jamais dû prendre cet avion, nous aurions dû quitter la voiture". Il ne s'agit pas d'une ironie verbale ou dramatique, mais d'une ironie du destin, connue sous le nom d'ironie cosmique. Parfois, l'univers semble délibérément cruel et joue un tour dont nous ne pouvons rien attendre.
📚 7. La poésie comme substitut de la religion : Le monde du castaway
Castaway remet en question la notion de bienveillance divine et nous invite à percevoir, à travers le silence et le chaos du film, quelque chose de similaire au poème de Steven Crane publié en 1899, intitulé "A Man Said to the Universe". Le protagoniste dit à l'univers : "Monsieur, j'existe !", et l'univers lui répond : "Le fait de ton existence ne m'a pas obligé à te donner quelque chose". Au lieu de recevoir un navire rempli de biens, Chuck reçoit ses papiers de divorce et ce cadeau d'anniversaire, accompagné d'une carte écrite par le poète Wallace Stevens, qui dit : "La chose la plus belle au monde est bien sûr le monde lui-même". Stevens, qui se considérait lui-même comme un "castaway" dans ce monde où il ne pouvait plus croire en Dieu, a affirmé que la poésie et les créations de l'imagination étaient une alternative nécessaire et importante à la religion. Il a déclaré : "Si l'on ne croit plus en Dieu, il devient nécessaire de croire en quelque chose d'autre. Regardez ce que j'ai créé, j'ai fait du feu". Chuck découvre une forme d'espoir surnaturel dans l'image d'une lumière à l'horizon, semblable à l'étoile du matin entre la mer et le ciel. Cette scène nous invite à comprendre que, dans un monde dépourvu de pitié, la poésie et l'imagination peuvent être des substituts importants à la religion.
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